La Chasse au Renard Blanc

[ DANS LE GRAND SALON - LA JOURNÉE ]

L'agitation de ces derniers jours était tombée d'un seul coup... presque.

Tout était redevenu calme... trop calme... En tout cas en comparaison de la veille.

Dana était retournée chez elle visiblement gênée par son comportement un peu léger. Miotas logeait à sa forge... trop de boulot sans doute, mais bon, je n'étais pas inquiet pour lui, je le connaissais assez pour savoir qu'en cas de souci, il n'aurait pas hésité à rappliquer dare-dare. Kamui était parti à la Mairie, Cathy se reposait dans sa chambre et Lat... je suppose qu'elle vaquait ou se promenait dans la propriété.
Leonie n'avait pas encore pris son service, et rangeait sans doute ses affaires dans sa chambre.
A cette heure matinale, je savais Briana occupée à instruire Haydée dans se chambre...

J'avais le salon pour moi seul... enfin, seul... deux énormes boules de poils vautrées sur les peaux de sanglier devant l'âtre grognaient et ronflaient sans se préoccuper le moins du monde de ce qui se passait autour d'elles. Conny et Neila avaient vraiment une vie de chiens...

Je souriais béatement devant cette scène reposante... j'avais allumé ma bonne vieille pipe et sirotais un gobelet de Uiscè en rêvassant, les yeux perdus dans la sarabande bienfaisante des flammes de l'être monumental...

Pais... Sérénité... Bonheur...

Il n'y manquait que le doux regard de ma douce épouse...

Ben oui, au fait...où était-elle donc ?...à cette heure, généralement, elle était à l'office afin d'instruire nos gens des tâches de la journée, ou auprès de moi, soit ici, soit au bureau occupée, en ma compagnie, à faire les comptes du Domaine.

Bizarre...à moins que la coquine ait décidé de traîner un peu dans nos appartements, se prélasser dans un bain de mousse parfumé, ou simplement se reposer, vu son état.

J'avais commencé à lire un traité d'élevage de chevaux et l'avais posé, ouvert à la bonne page, sur le buffet à liqueurs. Je me levai et allai le chercher - au passage, je remplirais mon gobelet - afin d'en poursuivre la lecture.
Puis, je revins m'installer confortablement...les pensées concentrées sur ma lecture.

Au bout d'un moment qu'il me fut impossible à déterminer, je levai la tête : je venais d'entendre un bruit à l'office.

- Ah, murmurai-je... la Reine sort enfin de son cocon... J'étirai ma grande carcasse... Conny leva un oeil amorphe mais chargé de reproches comme pour me signifier : "Oh... mollo... y 'en a qui se reposent ici..." et se rendormit aussi sec... Je dus me retenir pour ne pas éclater de rire... Quel numéro celui-là !

Je déposai livre, gobelet et pipe sur le bahut et me dirigeai silencieusement vers l'office avec l'intention de surprendre ma douce... J'adorais l'observer à son insu..tant de grâce et de féminité dans cette gracieuse silhouette qui s'arrondissait de la manière la plus harmonieuse qui soit.

Je poussai doucement la porte... Mais au lieu de ma tendre épouse... Briana. Seule.

Affairée à son travail, la gouvernante ne m'avait pas entendu arriver, mais sentant ma présence, elle se retourna soudain d'un bloc en portant les mains à son coeur :

- OH !... s'écria-t-elle... Monsieur m'a fait peur !...

J'eus un sourire apaisant, mais contrarié, Briana dut s'en apercevoir car elle me regarda avec curiosité.

- Pardonnez-moi, Briana, je voulais surprendre Madame... Est-elle avec la petite ?

- Ma foi Monsieur, je quittes Haydée à l'instant et je ne l'ai pas encore vue aujourd'hui... dans vos appartements, peut-être... se hasarda-t-elle.

Un peu contrarié, je remerciai la gouvernante d'un signe de tête bourru et sortis de l'office.

Où donc cette coquine se cachait-elle ?... Il ne me restait plus qu'à monter à nos appartement... sans doute s'était elle rendormie.

Je gravis les escaliers rapidement mais sans bruit. Si elle dormait encore, je ne voulais pas la réveiller. Doucement, j'ouvris la porte de notre suite privée... Lit vide... Briana avait fait notre chambre.

Il ne me fallut pas longtemps pour réaliser que Léanice ne se trouvait pas ici.

Je redescendis alors au salon, un peu inquiet... il n'était pas dans les habitudes de Léa de quitter le Manoir sans m'avoir prévenu ni embrassé... tout comme moi lorsque je partais travailler.
Assis devant l'âtre crépitant, je me posais mille questions... Le passé me sautait au visage, me prenait à la gorge... Aurore... l'hiver... la neige... Saison maudite !! Non... pas une deuxième fois... pas Léa !

Je me levai d'un bond... Aldric !... Elle était peut-être allé rendre visite à notre métayer avant le déjeuner, ou soigner son faucon... ou prendre soin de Ban... Oui.. c'est cela... Mais, quand même, elle aurait pu me prévenir !

J'enfilai mes bottes et jetai ma pelisse sur les épaules, puis, je sortis de la bâtisse.
Un froid vif et une bise piquante m'assaillirent immédiatement.

- Brrrrrrrr... mais quelle imprudente...par ce froid... dans son état !

C'est presque en courant que j'atteignis la maison d'Aldric. Je frappai et attendis un moment...

- Aldric... Léa !... ALDRIC !!

Bon sang...personne non plus...

Sérieusement inquiet cette fois, je courus aux écuries... Toutes nos montures sont là.

- Morbleu... mais où sont-ils donc ces deux-là ? pestai-je sinistrement.

Le Domaine est trop vaste, je ne pouvais me permettre, même à cheval d'en faire le tour et espérer les retrouver en me fiant au seul hasard. La mort dans l'âme, rongé par l'inquiétude et le cerveau hanté les fantômes du passé, je rentrai au Manoir.

Par acquit de conscience, j'en fis le tour, pièce par pièce... à grands pas, des caves au grenier... Briana dut me prendre pour un fou...J'allais d'une pièce à l'autre appelant ma femme... sans résultat.

Le soir tombait... les ombres s'allongeaient et mon inquiétude grandissait de minute en minute... Il me fallait agir, faire quelque chose... Je ne pouvais rester là à attendre sans tenter quelque chose !

Oui... mais quoi ?...Où chercher ?... Personne ici ne pouvait m'aider... Briana devait rester près d'Haydée, Cathy ?... hors de question dans son état. Miotas, trop loin pour le prévenir... Quant à Kamui, je ne savais pas quand il allait rentrer ! Les chiens avaient levé la tête mollement et me regardaient en se demandant sans doute quelle mouche me piquait... Pfff ces deux-là... Pas tracassés pour deux sous...

C'est alors qu'il me vint une idée : Les chiens... mais bon sang... les chiens... Je bondis sur mes pieds et sortis du salon.
Quatre à quatre, je grimpai à l'étage et, fouillant dans le bahut de Léa en tirai une longue écharpe imprégnée de son odeur.
Je redescendis aussi vite et je vins, à quatre pattes près des chiens, leur fourrant le vêtement sous la truffe.

- Conny... cherches... cherches Léa... Sens mon chien... où est ta maîtresse ?... Neila... cherches, ma fille ! Ils me regardaient avec des yeux ronds et, croyant que je voulais jouer, Conny me gratifia d'une léchouille magistrale... Pouah...

- Non Conny... pas jouer... Chercher !

Joignant le geste à la parole, je portai l'écharpe à mon nez et reniflai bruyamment... Intrigué, ou amusé, allez savoir, Conny s'approcha et renifla le tissu à son tour, immédiatement imité par Neila.

- C'est ça... oui... Cherches...Cherches ta maîtresse !... On eût dit qu'un déclic venait de se faire dans le cerveau des énormes chiens car soudain, ils se mirent à japper joyeusement en tournant sur-eux-même et en remuant la queue.
C'était gagné...

Je ceignis mon baudrier vérifiant que ma lame glissait bien hors du fourreau, enfilai ma pelisse et, tenant toujours l'étoffe à la main, je sortis du manoir précédé par mes molosses... Direction l'écurie.

Il y a des moments de l'existence où une expression banale prend un sens nouveau.

Tenez, l'expression : "Mener une vie de chien."

Eh bien moi je peux vous dire que cet axiome souvent péjoratif peut s'envisager sous un jour totalement différent...

Imaginez... Vous êtes roulé en boule au pied d'un feu bienfaisant... assoupi du sommeil du juste car vous savez qu'à heure et à temps votre pitance vous sera généreusement octroyée, votre ration de tendresse prodiguée avec bienveillance. De plus, à vos côtés somnole une créature de rêve, amoureusement pelotonnée contre votre flanc... sa jolie tête posée tendrement sur votre poitrine...

Une vie de chien ?... je ne l'échangerais pour rien au monde contre une vie d'Homme !

Bien sûr... y a parfois des inconvénients... des rondes dans le parc où il faut veiller, garder et protéger la maison des Maîtres... mais avouez... quand on pèse prés de quatre vingt dix kilos de muscles, qu'on est armé de crocs de près de huit centimètres...on craint pas grand chose. Ce confort vaut bien ce petit inconvénient.

Je rêvais à tout cela lorsque le Balafré remua, se leva et alla trifouiller sur le bahut... Oups... Conny mon vieux... tu as parlé trop vite, dans cinq minutes on va nous demander de sortir...

Eeeh non... fausse alerte... Le Barbu se rassied avec une liasse de papiers et la regarde attentivement... Les Humains savent lire !... Sisisi... je n'ai jamais très bien sur ce que cela voulait dire, mais, je sais que quand ils sont comme ça, faut pas les déranger... bonne affaire, d'ailleurs.

Bon, allez, on peut se replonger dans les rêves...

Il paraît que nous n'avons pas la notion de temps... Rien n'est plus inexact... Nous savons QUAND les ennuis commencent... et le plus souvent, avant les humains d'ailleurs. Nell a levé un sourcil et me regarde du coin de l'oeil... silencieusement j'acquiesce. Regard qui veut dire : "Aïe... finie la tranquillité."

Le Barbu se lève...ah... l'office... miam... involontairement, je salives... Ben quoi ?... C'est comme ça chaque fis qu'on pense à notre estomac... Mais, je déchantes vite...les choses semblent se précipiter... Le Balafré s'agite, court dans tous les sens - Surtout... surtout, ne pas bouger... on est pas là... on a pas besoin de nous... enfin... pas tout de suite.
Cette agitation ne présage rien de bon... Le vieux Mac cherche après sa femelle, je m'en rends compte... Je suis comme ça aussi quand je ne vois pas Nell... et alors ?!
Néanmoins...la consigne : On bouge pas... on attend les ordres... Tant qu'on ne nous a pas sifflés... c'est bon... naméo...

Le voilà qui sort à présent... Bon... balade avec Red... On est pas de la fête... ouf !. Allez, fausse alerte,... Dodo !...

Mais, au fond de moi, je sais, je sens que c'est pas fini. Malgré moi, je gardes un oeil ouvert... Nell a compris elle aussi.. sa respiration se fait plus courte...je la sens contre mon flanc qui s'agite un peu.

Et voilààà... c'était trop beau, le Barbu rentre déjà... j'aurais dû m'en douter, j'a pas entendu "Cataclop, cataclop"...

Il a jeté sa pelisse négligemment et vient s'affaler sur le fauteuil...il semble effondré... Y avait longtemps que je ne l'avais vu ainsi... depuis cet hiver... depuis le départ de la gentille dame blonde...
Ca sent pas bon tout ça...

Mais... qu'est ce qu'il a à nous regarder comme ça ?... Ooohhh Non !...

Le voilà qui se lève brusquement... Nell et moi sursautons... Déjà de retour avec un chiffon... Ben... qu'est-ce qui lui prend ?... V'la qu'il veut jouer à présent ?...

Aaah... c'était ça... Allez Hop... une léchouille il adore ça le Balafré... Euh... Oups.. non, pas cette fois, on dirait...

Mais bon sang, qu'est-ce qu'il veut avec son chiffon... qu'a-t-il de si particulier ?...

Ben ... v'la aut' chose... v'la qu'il le renifle... C'est nouveau ça... depuis quand les Humains ont-ils un flair ???

ET puis... qu'est-cequ'il sent ce chiffon, après tous... Je ne suis pas curieux de nature, mais là, il m'intrigue le Vieux...

- Shnirfff... shnirfff... Mais... ma parole, c'est l'odeur de la Dadame, ça... C'est à elle ce chiffon... Pas à lui... tu paries qu'il lui a chipé ?... Et d'abord... Elle est où ?... Pourquoi l' Barbu veut il lui piquer son chiffon ?...

- Viens Nell, on va aller la chercher, la Maîtresse... De plus, le Barbu semble vouloir venir avec nous...

Bon, allons y alors... ah... on va aux écuries... le vieux Red est de la fête... Chouette !!...

[ Suite aux Ecuries ]

J'avais laissé Ban, Red et les chiens dans la cour... Aldric - mais où était-il donc passé celui-là ? - s'en occuperait.

Je n'avais rien de plus pressé que de mettre ma femme à l'abri du froid, aussi, l'emportai-je dans mes bras vers le grand salon où un grand feu réconfortant brûlait en permanence.

Je la déposai, toujours enveloppée des pelisses, sur l'immense banquette face à l'âtre . Je lui calai des coussins sous la tête et veillai à bien la couvir. Puis, je jetai quelques bûches dans la cheminée et attisai le feu. Cela fait, je me précipitai vers l'office. Ouvrant grande la porte, je jetai un peu brutalement :

- Léonie, Briana, apportez du vin chaud pour Madame... et une bouillotte !... Que je ne doive pas y revenir !

Je revins près de Léanice tremblante encore de froid qui me regardait avec une lueur de crainte dans les yeux :

- Alors, Madame ! lâchai-je d'un ton peu amène contenant à peine une sourde colère, me ferez-vous l'honneur d'une explication sensée quant à cette escapade insensée ?

Mille pensées me vrillaient l'esprit, mais par dessus tout, celle d'avoir pu risquer de perdre celle pour qui j'eus donné ma vie me plongeait dans une colère noire. Une fois suffisait... je ne voulais plus jamais revivre ce drame... Léa portait notre enfant !... Aurore aussi... Dents serrées, j'attendais ses explications, bien décidé à ne pas me laisser attendrir..; J'avais eu trop peur... Il fallait qu'elle en prenne conscience !

Je me laissai emporter dans les bras de Bosan sans mots dire, encore un peu engourdie par le froid accumulé .. mais tout en sentant sourdre tout au fond de moi un léger sentiment de colère .. il voulait du "vous" .. il allait en avoir !! il voulait du Monsieur .. du Messire ou du Mon Seigneur .. il allait être servi ... comment osait-il me parler ainsi.. qui plus est devant les domestiques .. il parlait si fort que toutes les pierres du Manoir devaient l'entendre ...

Ce n'est pas parce que je fondais à chaque fois qu'il me prenait dans ses bras que j'étais en sucre .. QUE DIABLE.. j'étais encore consciente et responsable .. tout çà pour une malheureuse escapade dans la neige .. fichtre .. ignorait il que j'avais mené la campagne d'Anjou et de Bretagne .. enceinte de ma fille .. le ventre enserré fortement je m'étais battue comme un homme et personne ne s'était préoccupé des conséquences à ce moment là ..

Tout me revenait en mémoire en regardant le regard furieux de Bosan .. je comprenais malgré tout sa réaction, mais je n'avais pas l'habitude de vivre avec le passé .. j'avais eu ma part et avais tout enfermé dans un coin de ma mémoire et ne voulais plus y penser.. je sentais une douce chaleur commencer à envahir mon corps et me débarassai d'un geste vif des pelisses et coussins pour me retrouver debout devant mon tendre mari pour essuyer l'orage ..

- Alors, Madame ! me ferez-vous l'honneur d'une explication sensée quant à cette escapade insensée ?

Je le regarde fixement, esquissant un sourire en coin ..

- Libre à toi mon Amour de me vouvoyer .. je trouve même celà assez divertissant .. que veux tu que je réponde ? j'ai eu tort ?... oui j'aurai du te prévenir ..je ne l'ai pas fait et tu m'en vois désolée .. je vais bien néanmoins et ne suis pas si irresponsable que tu pourrais le penser, tu devrais commencer à me connaitre depuis le temps, JAMAIS ..tu m'entends..JAMAIS je ne risquerai la vie de notre enfant, comment peux tu penser une chose pareille .. tu veux une explication sensée ... de toutes façons elle ne le sera jamais pour toi ...

je faisais des allées et venues devant lui en soupirant ...

- et bien ... j'avais besoin de prendre l'air .. besoin de marcher .. tu étais entrain de travailler dans ton bureau, j'ai rencontré Aldric, nous avons discuté un moment et la conversation est venue sur ce fameux renard que j'avais aperçu un jour prés du dolmen .. et ... et tu connais la suite .. est-ce assez sensé pour Mon Seigneur et Maître ? .. une quinte de toux m'empêcha de continuer et je dus me tenir à son bras pour ne pas tomber ...

- Par tous les Dieux, Léanice McTYLE !...Te rends-tu compte dans quel état d'inquiétude tu m'as mis ?... et regardes... tu as attrapé froid... dans ton état..; c'est de l'inconscience ! Et tu voudrais que je prennes cela à la légère ?

Je forçai Léa à s'étendre à nouveau en jetant un regard vers la porte de l'office... bon sang... le personnel de cette maison était en dessous de tout !

- Léa... que tu sois allé prendre l'air ne me dérange pas... si tu me l'avais demandé, nous serions allés nous promener un peu. Mais ce que tu as fait là relève de l'inconscience la plus totale... En d'autres temps, je t'aurais même encouragé à chasser, mais dans ton état, c'était de... de la folie, tout simplement !... Pries la Déesse qu'il n'y ait pas de suites malheureuses à cette déplorable aventure. Je ne veux pas risquer de ... J... j'ai eu ma part de malheur apporté par l'hiver... Il n'est pas question pour moi de revivre cela..; tu m'entends ?
Tu vas boire un bon grog, puis tu prendras un bain bien chaud et tu iras te reposer. J'irai chez l'Herboriste lui demander un remède pur cette toux... au cas où elle persisterait.

- Par tous les Dieux, Léanice McTYLE !...Te rends-tu compte dans quel état d'inquiétude tu m'as mis ?... et regardes... tu as attrapé froid... dans ton état..; c'est de l'inconscience ! Et tu voudrais que je prennes cela à la légère ?

Je ne me fais pas prier pour m'allonger, mes jambes me soutenant avec peine .. mais pas prête à capituler aussi facilement quand même .. tout en regardant mon époux avec un petit sourire innocent ..

- je sais mon chéri, je n'aurai peut être pas dû, mais tu sais trs bien que je me sents en forme donc je suis toujours prête à faire ce que j'ai envie, et puis en plus je ne voulais surtout pas te déranger, je sais que tu as beaucoup de soucis avec l'arrivée prochaine des chevaux .. et d'une petite voix .. de plus je connais ton aversion pour la .. neige ..

Dans un léger soupir je m'étire langoureusement .. tout en tendant une de mes jambes ..

- peux tu m'aider à oter mes bottes mon amour .. je prendrai bien un bain .. bien chaud .. tu as raison, mais promets moi de rester à mes côtés, je .. je ne me sents pas trés bien .. je serai rassurée si je t'avais tout prés .. je tends mes bras afin qu'il approche et d'une voix trés douce .. viens .. viens t'asseoir là .. je .. je veux tes mains .. là.. sur mon ventre ..

- Tu n'as rien compris... ce n'est pas la neige qui me fait horreur, mais l'hiver... et ce qu'il entraîne de... Et puis... à quoi bon... tu n'en feras jamais qu'à ta tête de toute manière ! Et que je me sois tourmenté d'inquiétude ne semble pas te toucher ...

Je la regardai droit dans les yeux, avec ce regard qui, autrefois aurait suffi à faire ciller les plus téméraires :

- Les chevaux, le Conseil, mes charges... tout cela n'est rien... rien,tu m'entends, en regard de ce que tu portes en ton ventre !... Là est ma seule vraie responsabilité, puisque tu ne sembles pas réaliser à quel point cette vie... ces vies me sont précieuses !

Je marquai un temps d'arrêt afin que mes paroles fassent leur chemin dans son esprit, puis :

- Quant à te sentir en pleine forme... c'était sans doute le cas avant ton escapade... regardes-toi à présent !

Je secouai la tête... il me semblait avoir parlé à une mule irlandaise, mais je m'exécutai et je lui ôtai délicatement ses bottes... Ses petits pieds étaient rougis et glacés... un instant, je les pris dans mes mains et les réchauffai un peu, puis, comme elle me le demandait, je m'assis à ses côtés et je posai les mains sur son ventre... un léger mouvement se fit sentir sous mes paumes... une vague légère passa sous sa peau...Notre bébé... mon enfant... mon fils, peut-être ?... Allais-je enfin pouvoir recevoir ce cadeau des Dieux ?...

Malgré la sourde colère teintée d'inquiétude qui m'étreignait, je levai les yeux vers elle et lui fis un sourire que j'espérais plus tendre que mes pensées.
Je me tournai vers Briana qui apportait enfin la boisson demandée et d'une voix un peu adoucie :

- Briana, ma fille, voulez-vous préparer un bain bien chaud pour mon épouse ?... Nous montons à notre suite. Déposez là ce plateau, je me charges d'administrer ce remède à Madame.
- Ah... et tant que j'y pense,... trouvez moi Messire Aldric, le Métayer... j'aurai deux mots à lui dire...

- Tiens, bois... tant que c'est chaud...

- Quant à te sentir en pleine forme... c'était sans doute le cas avant ton escapade... regardes-toi à présent

- Oh ne dis pas çà mon ange, je ne voulais pas te mettre dans une telle colère, je n'ai pas rélféchis c'est vrai .. je te l'accorde .. mais .. je sentis deux grosses larmes couler sur mes joues que j'essuyai d'un revers de manche .. mais tu sais que je tiens à notre enfant comme à la prunelle de mes yeux ..

Je posai ma main sur la sienne afin de partager avec lui le moindre mouvement de notre bébé.. Briana arrivait avec un plateau chargé d'une boisson fumante et odorante, mais qui me fit faire une légère grimace .. encore une de ces décoctions dont elle avait le secret sans doute ..

- merci Briana, je prendrai volontiers un bain chaud oui, aprés avoir ingurgité ce .. enfin cette .. potion ..

Je me redresse un peu péniblement en attendant que Bosan verse le liquide dans un bol et me le mette d'office dans les mains ..

- hummm .. merci chéri .. tu crois vraiment qu'il faut que j'avale çà ? .. mais rien que son regard me fit vite plonger le bout du nez dans le bol .. une fois terminé .. non sans mal .. je posai le bol sur la table alors qu'un frisson me parcourait le dos et tendit les bras à mon époux ..

- montons mon amour .. je suis un peu fatiguée et je .. j'ai .. je ne continuai pas ma phrase me contentant de plonger mon regard dans le sien d'un air coquin et malicieux ..

J'avais disposé sur un plateau un pichet de tisane trés chaude, avec un grand bol, ainsi qu'un morceau de gâteau ..Madame me paraissait si pâle et cette toux n'était pas trés rassurante .. et le déposai sur la table ..

- voilà Monsieur, il faudrait que Madame boive ceci bien chaud afin que çà fasse de l'effet pour sa gorge .. je monte de suite remplir le baquet d'eau chaude, vous pourrez monter dés que Madame aura terminé la tisane .. et .. je m'en irai ensuite quérir des nouvelles de Monsieur Aldric ..

Aprés une légère révérence je filai vite vers le grand escalier et parcourut le couloir menant à la suite des McTYLE afin de m'occuper du bain ..

Aldric venait tout juste de terminer son travail de la journée au domaine, il avait rangé les outils dans la remise avant de se diriger vers le domaine, pour indiquer à ses maîtres qu'il se retirait dans la maison qu'ils avaient mis à sa disposition. Il entra donc au domaine sans même prendre la peine de frapper, il était ici comme chez lui. Il tomba nez à nez avec Briana, en bas des escaliers. Elle eut à peine le temps de lui dire que Bosan l'attendait au grand salon, que déjà elle avait gravi les marches de l'escalier en colimaçon, surement avait elle encore beaucoup de travail ...
Sans avoir pu demander plus d'information quand à la raison de cette requête, le métayer se rendit immédiatement là où on l'attendait. Lui qui aurait aimé pouvoir aller se reposer après une dure journée de labeur, on allait surement lui demander autre chose avant. Il poussa la porte du grand salon et vit immédiatement son ami. Il s'avança jusque devant lui avant de le saluer poliment.

Bonjour mac, tu voulais me voir ?

Tout affairé auprès de mon épouse tremblante, je n'avais pas aperçu Aldric entrer.

- Bonjour mac, tu voulais me voir ?

Je me retournai vivement et dévisageai mon ami mi-en colère, mi ennuyé.

- Oui, Al... Je ne sais si je dois me fâcher ou être clément...

Je laissai un silence s'installer. Puis, je repris :

- Je ne doutes pas que votre "escapade" soit le fait d'un bon sentiment de votre part, à Léa et toi. Et je sais qu'en ta compagnie, elle ne risquait pas grand'chose...Cependant, là où je suis moins enclin à la compréhension, c'est lorsque ladite escapade se passe à mon insu. Cela me donne le sentiment que vous aviez quelque chose à me cacher... et ça.. je le supporte mal.
D'autre part, j'ai une aversion profonde pour l'hiver qui m'a déjà ôté des vies chères ! Or, Léanice porte la vie... je ne veux pas compromettre cet espoir...
C'est l'inquiétude qui est à la base de ma colère. Rien d'autre. Et quand je vois l'état de ma femme ce soir, je me rends compte que je n'ai pas eu tort de m'en faire... Les Dieux seuls savent ce qu'il serait advenu d'elle dans la forêt enneigée, la nuit tombée. Seule, elle eût pu se perdre... elle ne connait pas encore assez le domaine.

Un nouveau silence afin de laisser mes paroles faire leur chemin dans l'esprit de mes interlocuteurs, puis :

- Bref. Je ne vais pas en faire une montagne, mais pries pour que l'état de Léanice s'améliore rapidement... Je pourrais t'en vouloir à jamais s'il...

D'un geste, je chassai les pensées qui me venaient en tête et ajoutai :

- L'incident est clos pour l'instant. Je te demanderai de t'occuper des chevaux, je n'ai pas eu le temps de le faire... ensuite, nous prendrons un repas ravigorant. Mais, écoutez-moi bien : Je ne veux plus que cela se représente.

- Allons Léa... je t'accompagnes au bain... A tout à l'heure Aldric.

J'enlevai Léa dans mes bras dès qu'elle eût reposé le bol dont elle venait d'ingurgiter le contenu avec une grimace. Puis, je la portai, à travers les escaliers jusqu'à la salle de bains.

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